La solidarité derrière le drame

Par Karine Therrien 10:30 AM - 4 novembre 2020
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Émile Cormier accompagné de sa maman.

C’est dans les tragédies qu’on voit de belles et grandes choses se produirent. Émile Cormier, 13 ans, est décédé le 28 juin dernier.  Un accident de six-roues. Une fin de semaine de gars qui a tourné au drame. La vie a décidé qu’un dimanche de juin, l’existence de ce jeune homme allait prendre fin abruptement.

Il est décédé approximativement vers 9h30 le matin et sa maman, Nathalie Coulombe, ne l’a su qu’en fin de journée, car le chalet où il se trouvait pour la fin de semaine avec son ami Miguel et son père était à plus de trois heures de route et de véhicule tout terrain de Sept-Îles.

C’est un transport d’urgence en hélicoptère qui a ramené Émile à l’hôpital où on n’a pu qu’affreusement constater son décès. Lorsque deux policières ont sonné chez la maman pour lui demander de se rendre à l’urgence du centre hospitalier, cette dernière était loin de se douter qu’on lui annoncerait le pire.  Le papa d’Émile, Stéphane Cormier, quant à lui, était à l’extérieur, « sur la ligne », comme on dit, il l’a su par téléphone. L’horreur.

Émile avait passé une super fin de semaine : pêche à la truite, randonnées en VTT, histoires de gars, tir à la carabine.  Il disait à Jean-François, le père de son copain d’enfance : « Merci JF, je suis content d’être là! »

Émile était un « grand garçon » c’est-à-dire un garçon avec une âme généreuse et profonde, un être compatissant et à l’écoute des gens qui l’entouraient. Il avait un impact positif sur ses amis et ne laissait jamais personne de côté. Il ne rejetait aucun ami ou connaissance. Il était serviable, affectueux, taquin et disait « Je t’aime » tous les jours. Il était croyant et spirituel.

Nathalie, sa maman, est aussi croyante, elle disait déjà à ses enfants, avant que le pire ne survienne, que l’on doit être prêt à mourir.  Se dire je t’aime à l’infini, se cajoler, se taquiner, prendre soin des autres, apprécier chaque petite chose de la vie.

On pourrait en vouloir à l’univers, à la vie, ou à l’être supérieur à qui l’on croit, d’avoir ramené Émile auprès de lui si tôt, mais Nathalie continue de croire qu’Émile est décédé heureux, le cœur gonflé de bonheur et d’amour de ses proches. Certes, les parents sont démolis par son absence, il y a des jours moins beaux que d’autres, des jours plus gris, plus tristes, mais ils s’accrochent. Ils s’accrochent pour les autres, pour ceux qui restent, pour Rose-Marie, pour Léanne, pour Rosalie, pour William.

Ce qui fait le plus mal, c’est que la permanence de son absence s’installe. Émile ne reviendra pas. Ni ce soir, ni en fin de semaine, ni à Noël, ni pour les vacances d’été… Il ne mettra plus son wetsuit, il ne jouera plus à la Nintendo Switch. C’est cet ennui qui blesse sa famille jusqu’aux entrailles. C’est la constatation que la séparation sera définitive et permanente.

Pour apaiser la souffrance des parents, il y a les amis, les voisins, la famille qui laissent à la porte jour après jour des tonnes de pâté chinois, de la sauce à spaghetti maison, du pain aux bananes, des fleurs, des plantes, et énormément d’amour et de compassion.

En plus, Marie-Josée, une amie de longue date de Nathalie, a même créé une campagne de financement « Go Fund Me » pour les supporter, pour permettre à sa douce amie de profiter de la vie avec ses belles grandes filles.

Les collègues étudiants et enseignants de Nathalie l’ont aussi aidée du mieux qu’ils ont pu et l’ont supportée de différentes manières, cette dernière ayant dû reprendre ses études, disons-le « à reculons » pour ne pas perdre les sessions d’été et d’automne de son baccalauréat en Travail social.

Parallèlement à la peine, à la vie qui doit continuer, il y a les choses que l’on doit faire. LA chose qu’aucun parent ne veut devoir prévoir un jour c’est de préparer des funérailles pour son enfant. Sur l’adrénaline, comme sur le pilote automatique le corps reste éveillé et permet de rester debout, il permet de réfléchir, organiser, planifier, mais pas de pleurer. En tout cas, pas dans ces moments-là pour Nathalie.

Organiser des funérailles en temps de deuil, ce n’est pas facile, les organiser en temps de pandémie, cela rajoute stress et désagréments.  La cérémonie a dû se passer à l’extérieur, car en juin, les rassemblements intérieurs étaient limités. Il a fallu user d’imagination pour trouver une manière de recevoir les amis et les familles, dans un lieu sécuritaire et sans faire de regroupements, le tout dans la distanciation et la désinfection. Sept-Îles et ses citoyens, qui savent se mobiliser en temps de crise ont été tellement généreux. Prêt d’un terrain et autorisations de la Ville, de la Santé publique, de la Sûreté du Québec, délimitation d’un terrain, installation d’un chapiteau, planification d’une entrée et d’une sortie distinctes pour éviter que les gens se croisent, accès à la maison de Jean-François et Guylaine pour leur salle de bain, désinfection de la maison et des lieux communs et contrôle des accès par Michel et son équipe.

Bref, un voisinage tissé serré, des gens d’affaires, des amis, de la famille, qui ont tous aidé les parents à faire des funérailles d’Émile des funérailles extraordinaires, très loin de la tradition et dignes de leur grand garçon. Même le prédicateur est sorti de son Église pour la cérémonie. Beaucoup d’amour, de compassion, de solidarité et même si la pluie s’en est mêlée, rien ne pouvait empêcher les parents de rendre un dernier hommage à leur beau Émile.

Pour le futur, Nathalie souhaite qu’on parle toujours d’Émile, elle aimerait entendre parler de son Émile par ses amis, elle les invite d’ailleurs à passer à la maison pour lui raconter des morceaux de la vie de son fils. Elle connait par cœur Émile son garçon, mais d’entendre ses amis lui parler d’Émile, l’ami, le copain, elle aimerait bien. Elle a l’impression qu’il lui manque des « pointes à sa tarte ».

Les parents sont évidemment ébranlés par le décès de leur fils, mais les sœurs d’Émile le sont tout autant. Les filles sont extrêmement fortes malgré leur peine et leur ennui que rien ne pourra combler. Leur frère, du haut de son nuage, leur envoie du courage et de la force pour continuer d’avancer, pour continuer d’exister.

Car tant que l’amour existera, Émile tu resteras.

 

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