Institut Tshakapesh – Quarante ans au service de la langue innue

Par Mathieu Morasse 9:00 AM - 6 avril 2019
Temps de lecture :
Institut Tshakapesh

Francis Ishpatao pose devant les rayons de la bibliothèque de l’Institut Tshakapesh, à Uashat.

Depuis 1978, l’Institut Tshakapesh œuvre à la valorisation et à la transmission de la langue et de la culture innues. Il produit entre autres des documents de référence écrits et audios et s’implique dans l’éducation et les services aux communautés.

Francis Ishpatao, 54 ans, directeur de la langue à l’Institut Tshakapesh depuis décembre dernier. Il explique que l’innu-aimun est une langue orale composée de trois dialectes ouest, centre et est. Les locuteurs de différents dialectes peinent à se comprendre entre eux.

Sept des onze communautés innues du Québec et du Labrador sont membres de l’Institut Tshakapesh. L’usage de l’innu-aimun n’est pas uniforme.

«Dans les communautés proches des centres urbains comme Uashat et Maliotenam, environ 60 à 70% des gens parlent innu. Dans les communautés isolées, c’est quasiment 98 ou 99%», estime-t-il.

Partout au Canada et dans le monde, les langues autochtones sont malmenées, incitant l’UNESCO à faire de 2019 l’année internationale des langues autochtones.

«N’oublions pas une chose, à l’échelle planétaire, des langues disparaissent à un rythme alarmant», rappelle-t-il.

Langue, culture et territoire

Pour Francis Ishpatao, l’innu-aimun est indissociable de l’innu-aitun, la culture innue.

«Sans culture, tu ne peux pas concevoir le parler innu. La langue innue naît du territoire. On dit souvent aussi que l’identité fait partie du manger du territoire. C’est grâce au territoire qu’on a survécu, qu’on a pu vivre», affirme l’Innu de Nutashkuan.

La langue est ainsi liée aux activités traditionnelles. Cela dit, Tshakapesh catalogue aussi les nouveaux mots qui sont apparus pour désigner les objets de la vie en ville.

En mettant l’innu par écrit dans des livres et des dictionnaires, l’organisme sans but lucratif contribue à le sauvegarder et à l’uniformiser. Ils enregistrent ensuite les différentes prononciations des mots dans chacun des dialectes pour les préserver.

La relève

Les défis de l’Institut Tshakapesh sont grands, mais les traducteurs maîtrisant l’innu se font rares et certains approchent de la retraite.

«Ce serait plus facile si on avait des linguistes autochtones innus. La personne doit aussi être polyvalente et comprendre les trois dialectes», rêve le directeur.

Dans un monde idéal, les Innus pourraient être servis dans leur langue autant à l’hôpital qu’au palais de justice ou qu’à la garderie.

«Il faut s’outiller, donner de la formation, faire des ententes avec les commissions scolaires, créer des cohortes avec les cégeps et les universités. […] On donnerait de la formation sur mesure s’il le faut pour pouvoir assurer la pérennité de ces services-là», assure-t-il.

Partager cet article