Noyades au lac Cacaoui : elles ont nagé des heures pour survivre
Les survivantes Claudia Bergeron, Sonia Poirier et Félicia Simard, avec le golden retriever Simba.
Après avoir vu son mari sombrer et son beau-frère mourir dans ses bras, une femme a dû abandonner le corps de ce dernier dans le lac pour assurer sa survie et celle de deux adolescentes.
Sonia Poirier, 45 ans, n’oubliera jamais l’image de son mari, Bruno Simard, 41 ans, et du frère de celui-ci, Lucas Simard, 38 ans, lorsqu’ils ont fait naufrage dans le lac Cacaoui, à environ 100 kilomètres au nord de Port-Cartier.
Les trois adultes prenaient place dans une chaloupe le 8 septembre avec sa fille Félicia Simard, 13 ans, et son amie Claudia Bergeron, 12 ans. Puisqu’il faisait froid, les trois adultes avaient mis plusieurs épaisseurs de vêtements et n’étaient pas capables d’attacher leur veste de flottaison.
Lorsque le vent s’est levé vers 12h30, la chaloupe s’est renversée en raison des grosses vagues. Ils ont alors tous les trois perdu leur gilet de sauvetage. Sonia Poirier a vu son mari sombrer dans le lac, tiré vers le fond par ses bottes de pêcheurs qui se remplissaient d’eau.
«Bruno, mon image, il me regarde, et il me dit focuse-toi sur les filles. J’ai vu [mon beau-frère] Lucas et Bruno ensemble, puis après j’ai entendu [ma fille] Félicia hurler, hurler, hurler. Elle l’a vu partir, disparaître dans l’eau», relate-t-elle.
Lucas Simard a alors réussi à saisir une veste de flottaison. Pendant au moins une heure, Mme Poirier et son beau-frère ont nagé en utilisant celle-ci comme une bouée. Les deux adolescentes vêtues de leur veste de flottaison nageaient près d’eux. Leur golden retriever nommé Simba les a suivis longtemps avant de se diriger vers le rivage.
Mais à un moment donné, Lucas Simard a cessé de nager. Elle croit qu’il est mort d’hypothermie puisque l’eau était assez froide.
«J’ai porté le corps de mon beau-frère dans mes mains [longtemps par la suite], parce qu’il est décédé dans mes bras. […] J’ai dérivé et j’ai l’impression d’avoir fait du surplace. Alors un moment donné, j’ai été obligée de l’abandonner parce que j’avais les deux autres, les filles. Il fallait que je sois là pour elles», confie-t-elle.
Mme Poirier ne sait pas exactement pendant combien d’heures elles ont nagé, mais elle croit que c’est au moins trois ou quatre. Mme Poirier et les deux adolescentes ont finalement atteint une île déserte. Elles étaient complètement exténuées.
Nuit d’horreur
Sonia Poirier, Félicia Simard et Claudia Bergeron se sont ensuite préparées à affronter une nuit aux températures près du point de congélation. Elles ont tenté d’allumer un feu avec des roches, sans succès. Elles étaient trempées et avaient très froid. La mère a enduit les pieds nus des jeunes de baume à lèvre qu’elle a retrouvé dans ses poches. Elle a aménagé un lit de branches de sapins sur lequel elles se sont blotties.
«La nuit d’horreur qu’on a passée sur l’île… Ça a été la nuit la plus froide. On s’est couchées [les unes sur les autres]. Il fallait trouver une façon de garder notre chaleur. On a eu tellement froid, claqué des dents. J’avais toute la langue brisée», se souvient-elle.
Enfin sauvées
Les trois naufragées ont été secourues sur l’île le lendemain vers 9h30, après que leur voisin de camping ait signalé leur disparition.
«On a réussi à s’en sortir. Je ne m’attendais pas à ça», avoue la mère.
Leur chien a lui aussi été retrouvé sain et sauf ailleurs sur le rivage.
«Il a nagé pendant des heures autour de nous autres avec la casquette de Bruno dans la bouche. C’est des images qui ne peuvent pas s’effacer», dit Sonia Porlier.
Elle décrit son époux Bruno Simard comme un père pour qui la famille était sacrée. Elle-même se dit apaisée par le fait que Félicia et son amie aient survécu.
«Tout était fait en fonction de la famille. Je vais essayer de continuer à créer ce qu’il avait fait.»
Elle ajoute qu’il était un patron à l’écoute de ses employés au magasin de meubles Gagnon Frères. Très impliqué socialement, notamment au sein du club Rotary, il voulait toujours aider tout le monde.
La Sûreté du Québec n’a pas encore retrouvé les corps de Bruno et Lucas Simard. La profondeur du lac Cacaoui dans le secteur concerné dépasserait les 300 pieds par endroits. Les recherches ont été suspendues vendredi pour une durée indéterminée, en attente de nouveaux indices.
«Les corps pas retrouvés […] je ne passerai pas au travers, c’est vraiment dur. Mais au moins, ils sont partis ensemble dans ce qu’ils aimaient tous les deux.»
La mère de Claudia Bergeron, Michelle Chabot, salue l’héroïsme de Sonia Poirier qui lui a ramené sa fille.
«Sans son courage et son sang-froid, c’est cinq morts qu’il y aurait eu, pas seulement deux», soutient-elle.
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