Les moins bien nantis paieraient plus cher de loyers à Sept-Îles

Par Jean-Christophe Beaulieu 12 juillet 2018
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À Sept-Îles, plus de 40% des locataires consacrent une part démesurée de leur revenu pour payer leur loyer.

Malgré qu’il y ait de plus en plus de logements disponibles à Sept-Îles, leurs coûts sont en augmentation. Les lois du marché ne tiennent plus la route selon le FRAPRU.

Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) vient de publier son «Dossier noir», qui dresse le portrait de la situation du logement au Québec. Réalisé à partir des données de la Société canadienne d’hypothèque et de logement et du recensement 2016 de Statistiques Canada, il lève le voile sur des problématiques de logements «aberrantes» à Sept-Îles. Marie-Josée Corriveau, coordonnatrice du FRAPRU, relate les données les plus flagrantes.

«Il y a des problèmes aigus de logements pour les personnes âgées, les femmes et les personnes seules dans votre ville. Et ce qui est absolument ahurissant dans votre région, c’est que malgré une augmentation du taux d’inoccupation, il y a quand même des augmentations du prix des loyers», signale-t-elle.

Les normes gouvernementales déterminent qu’un ménage ne devrait pas consacrer plus de 30% de leur revenu pour se loger. Passé ce seuil, il se voit dans l’obligation de réduire ses autres besoins essentiels tels la nourriture, les médicaments ou les fournitures scolaires. Ainsi, sur les 3 765 ménages locataires dans la municipalité, plus de 40 % sont obligés d’utiliser une part «démesurée» de leur revenu pour se loger rapporte Mme Corriveau.

 

Données pour Sept-Îles

 

  • Ménages consacrant 30% et plus du revenu pour le loyer : 995

Revenu médian : 18 969 $/année

Loyer médian : 703$/mois

  • Ménages consacrant 50% et plus du revenu pour le loyer : 390

Revenu médian : 12 562$/année

Loyer médian : 843$/mois

  • Ménages consacrant 80% et plus du revenu pour le loyer : 140

Revenu médian : 8 750$/année

Loyer médian : 885$/mois

*Source : Statistique Canada

Le constat est évident pour la coordonnatrice du FRAPRU.

«C’est la première aberration que l’on remarque à Sept-Îles. C’est profondément injuste, plus tu es pauvre, plus tu paies cher de loyers. On peut imaginer que ce sont des ménages qui déménagent souvent, à la recherche de logement plus abordable. Mais finalement, tout ce qu’ils trouvent est de plus en plus cher», soutient-elle.

Le logement, une «business»

La logique du profit n’est pas étrangère au fait que l’on se détourne de plus en plus de la notion de droit au logement selon Mme Corriveau. «On s’éloigne de la notion du logement comme étant un besoin essentiel, un bien commun. De plus en plus, ça devient une business», affirme-t-elle.

Elle se dit particulièrement préoccupée par le fait que les propriétaires essaient de faire, à son sens, des profits le plus rapidement possible, au détriment de la qualité de vie locataires. Sept-Îles serait d’ailleurs un bon exemple en ce sens.

«Les économistes nous disent que lorsque le taux d’inoccupation est à 3%, les rapports de force entre propriétaire et locataire sont à peu près équilibrés. Plus le taux monte, le nombre de logements vacants augmentant, plus le pouvoir de négociation deviendrait en faveur des locataires. On voit bien maintenant que ce n’est pas le cas.»

À Sept-Îles, malgré le taux d’inoccupation à 10%, les loyers continuent effectivement d’augmenter. C’est entre autres ce qui fait dire à Marie-Josée Corriveau qu’un marché laissé à lui-même ne fonctionne pas.

L’État a un rôle à jouer

Le marché privé n’étant pas favorable aux locataires selon le FRAPRU, la solution serait d’investir dans le logement social.

«On demande à l’État de jouer son rôle, parce que personne ne peut se passer d’un logement. Être mal logé a des effets sur la santé des personnes, la réussite scolaire des enfants, la possibilité de conserver un emploi».

Mettre sur pied une coopérative d’habitation, comme ce pourrait bientôt être le cas à Sept-Îles, ferait partie de la solution.

«Il faut augmenter la part du parc immobilier sans but lucratif, et l’argent est disponible. C’est maintenant une question de volonté politique.»

Et quant aux préjugés sur les loyers à prix modiques, Mme Corriveau est sans équivoque.

«Quand tu as un revenu de l’ordre de 8 000 $ par année et que tu paies un loyer à 885$, c’est évident que tu ne peux pas arriver. Ça serait indigne de demander aux gens de faire la charité pour payer leur logement. De toute façon, on a une responsabilité collective à ce niveau, notre gouvernement s’est engagé en ce sens», affirme-t-elle. «En plus, quand tu réponds aux besoins en matière de logement, par ricochet, tu règles bien d’autres problèmes», termine-t-elle.

 

 

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