Pénitencier de Port-Cartier : les détenus confinés à leurs cellules

Par Mathieu Morasse 3 mai 2018
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Le pénitencier de Port-Cartier.

Service Correctionnel Canada (SCC) a aboli la brigade incendie du pénitencier de Port-Cartier. Les agents correctionnels trouvent la situation dangereuse et refusent d’exercer certaines de leurs tâches, confinant les détenus à leurs cellules.

Jusqu’à mercredi, SCC entretenait des brigades incendies dans chacun de ses établissements à sécurité maximale du Canada, dont le pénitencier de Port-Cartier. Ces unités sont composées d’agents correctionnels spécialement formés et équipés pour intervenir lors d’incendies. L’abolition des bridages, effective à compter de jeudi, avait été annoncée par SCC en 2016.

Frédérick Lebeau est président régional du Québec pour le Syndicat des agents correctionnels du Canada (SACC). Il explique que les agents correctionnels estiment que leur sécurité est désormais en danger en cas d’incendie dans une zone non contrôlée, par exemple lors d’une émeute. Ils refusent donc depuis ce matin d’exercer une partie de leurs tâches.

Les activités de base sont maintenues dans l’établissement. La situation affecte surtout les activités de groupe qui nécessitent plus de mouvement et de surveillance, par exemple une salle commune ou une grande cour. Les soins de base, les repas et les sorties médicales sont maintenus.

M. Lebeau affirme que les détenus sont habitués à un tel isolement cellulaire lorsqu’il y a des incidents de sécurité, par exemple lors d’altercations ou de crimes.

« Ils sont souvent en isolement cellulaire le temps de replacer les choses et de faire l’enquête et l’analyse. Mais il ne faudra pas que ça dure 2 ou 3 jours. »

Le SACC est d’avis que le risque concerne aussi les détenus et les membres civils tels que les agents de libération conditionnelle, les bénévoles, les aumôniers et les intervenants des Alcooliques Anonymes.

Brigades bénévoles à faible coût

Les brigades étaient formées d’agents correctionnels passionnés, estime le syndicat. Environ 15 agents de Port-Cartier exerçaient ce travail bénévolement en plus de leur fonction régulière d’agent correctionnel.

« Le SCC a décidé d’enlever ces brigades-là pour des raisons budgétaires. C’est un coût de formation, une mise à jour annuelle. C’était aussi l’équipement à changer. On parle peut-être d’un budget de 50 000 $ sur un budget total de 5 ou 6 millions $. Ce n’est pas grand-chose », déplore Frédérick Lebeau.

Les brigades incendies effectuaient environ 10 interventions par an à Port-Cartier. Elles étaient appelées en renfort quand il y avait des feux mineurs, des soulèvements ou des émeutes. Leur rôle était de sécuriser les lieux pour permettre aux vrais pompiers d’intervenir.

« Ça amène un niveau de dangerosité plus élevé s’il y a une émeute ou un incendie. Ça n’arrive pas tous les jours, c’est même rare, mais ça s’est passé. En 2010, à la prison [provinciale] d’Orsainville, il y a deux détenus qui sont morts. C’est réel, ça peut arriver », rappelle-t-il.

Lors de cet événement, une émeute avait éclaté et des détenus avaient mis le feu à des objets. Les pompiers avaient refusé d’intervenir la zone non contrôlée par crainte pour leur sécurité. Deux détenus sont décédés et plusieurs avaient alors été blessés.

« Pour Service Correctionnel Canada, une prison c’est en béton, ça ne brûle pas, critique-t-il. Mais il y a beaucoup [d’objets qui peuvent brûler] à l’intérieur des murs. C’est beaucoup plus la fumée et la chaleur [que l’incendie lui-même] qui nous inquiètent. »

Processus de règlement rapide

Le refus de travail des agents correctionnels pour raisons de sécurité est exercé conformément au Code canadien de travail.

Frédérick Lebeau explique que le processus rapide. Des discussions ont lieu jeudi entre le président local du SACC (Hugo Lemieux) et le DG du pénitencier de Port-Cartier pour tenter de régler la situation.

« Les deux parties, localement, en discutent. S’il n’y a pas consensus, c’est Emploi et Développement social Canada qui vient trancher. On pense que ça devrait être réglé d’ici la fin de la journée [de jeudi]. »

Service Correctionnel Canada n’avait pas rendu notre appel au moment de publier l’article.

Rejet des prétentions du syndicat

Emploi et Développement social Canada a rendu une décision sommaire vendredi soir. Selon Frédérick Lebeau, l’organisme y donne raison à l’employeur et ordonne aux syndiqués d’offrir leur prestation normale de travail.

La situation est revenue à la normale au pénitencier dès samedi matin.

SACC attendra de recevoir la décision complète avant de décider s’il y a lieu d’en appeler.

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