(LE MANIC) «Il faut reconnaître la petite enfance comme une partie du continuum d’éducation» : c’est le constat le plus important que dresse le rapport de la Commission sur l’éducation à la petite enfance, selon son président, André Lebon.
Par Karine Boivin Forcier
Le rapport, présenté la semaine dernière, dresse cinq constats principaux et, selon M. Lebon, les quatre autres recommandations découlent de cette première reconnaissance. Le fait que la petite enfance est une période cruciale de développement et que la réussite éducative commence à ce moment est ressorti du travail de la commission. «Il faut donc investir ce moment-là de qualité», croit le président.
Si le réseau de service de garde existe déjà, la commission suggère toutefois d’en rehausser la qualité, puisqu’il a obtenu une note moyenne de passable pour la pédagogie lors des évaluations en 2003 et en 2014. Elle suggère donc que tout le personnel éducateur qui travaille dans les services éducatifs à la petite enfance détienne un diplôme d’études collégiales en Techniques d’éducation à l’enfance comme formation initiale de base.
«Il faut qualifier les gens. Les règles en centre de la petite enfance actuellement sont de deux éducatrices sur trois qui doivent avoir un diplôme d’études collégiales (DEC). Il n’y a aucune exigence dans les autres réseaux. La garde non régie nous inquiète grandement (…) Le gouvernement libéral (…) a laissé des garderies s’ouvrir partout sans exigences. Elles ne répondent à aucune exigence», lance André Lebon.
Le président de la commission se dit bien conscient que de nombreuses éducatrices travaillent déjà dans le réseau sans détenir cette formation. «Ces gens-là ont acquis une expérience. (…) Il faut développer une stratégie pour qu’ils puissent atteindre le DEC. Il faut reconnaître leurs qualifications», explique-t-il. La commission recommande en outre que la formation continue devienne obligatoire pour le personnel éducateur.
Garantie de qualité
La Commission croit également que la qualité passe aussi par une évaluation soutenue accompagnée de soutien pédagogique. «Cette évaluation du réseau soutenu par l’état financièrement se ferait sur une base régulière aux deux ans. Ce n’est pas seulement une évaluation de conformité (…), c’est pour voir le travail pédagogique», précise André Lebon.
Le personnel éducateur et les responsables de services éducatifs à la petite enfance auraient des ajustements à faire à la suite de ces évaluations afin de s’améliorer et un seuil minimal serait instauré, en bas desquelles le service pourrait perdre son permis ou sa reconnaissance. «On aurait la garantie, quand le parent place son enfant dans un service, qu’il est soutenu, évalué et que le personnel est de qualité», affirme M. Lebon.
Universalité
Les commissaires rappellent que lorsque la politique familiale du Québec a été lancée il y a 20 ans, elle visait l’égalité des chances. Toutefois, aujourd’hui, «36 % des enfants qui arrivent à quatre ans n’ont jamais fréquenté un milieu de garde. C’est souvent ceux qui en auraient le plus besoin», indique André Lebon.
Il souligne qu’il ne veut pas rendre les services éducatifs à la petite enfance obligatoires et qu’il respecte la décision des femmes qui ont choisi de rester à la maison, mais que certains enfants de milieux vulnérables ou défavorisés ne sont actuellement pas rejoints par les services. «C’est lourd de conséquences quand un jeune qui en avait besoin n’a pas été rejoint», affirme M. Lebon, indiquant qu’il est donc primordial de rejoindre cette clientèle.
Par ailleurs, la Commission, si elle reconnait la pertinence de la maternelle quatre ans à temps plein, croit qu’elle devrait fonctionner en complémentarité des services éducatifs à la petite enfance. «Au lieu d’être complémentaire aux CPE, elle fait le plein dans les enfants qui sont déjà en CPE ou en garderie parce que c’est gratuit. On ne rejoint pas les enfants qui ne sont jamais allés», déplore le président.
Cohésion
La commission a observé que ces milieux sont rejoints par des programmes de santé et de services sociaux ou des organismes communautaires et que ceux-ci pourraient permettre de faire un pont entre les services éducatifs à la petite enfance. Ils proposent donc de consolider la cohésion entre tous les acteurs impliqués en petite enfance.
La Commission souhaite ainsi regrouper sous un même ministère et un même ministre l’ensemble des services éducatifs offerts aux enfants de 0 à 16 ans. «Même s’il ne touche pas à la santé et au communautaire, ce ministère serait responsable de coordonner les relations avec les autres», précise le président de la commission.
Mentionnons que la commission a, au cours de l’automne, parcouru 14 villes et rencontré 23 experts, 135 groupes et organismes et 416 citoyens, en plus d’avoir reçu 5 009 réponses à son sondage auprès des parents d’enfants de 0 à 5 ans et 1004 réponses à celui pour le grand public ainsi que 167 mémoire ou commentaires écrits.
Plaidoyer pour la gratuité
La Commission sur l’éducation à la petite enfance lance un pavé dans la marre en suggérant que les services éducatifs à la petite enfance (0-4 ans) devraient être gratuits.
«Beaucoup de choses relèvent dans les médias autour de la gratuité, mais ça découle juste des autres décisions à prendre», lance d’entrée de jeu le président de la commission, André Lebon. Pour les commissaires, si «les services éducatifs à la petite enfance constituent le premier maillon du parcours éducatif de l’enfant et qu’ils doivent être intégrés formellement au continuum d’éducation préscolaire et scolaire», il va donc de soi que les grands principes d’universalité, d’accessibilité et de gratuité qui s’appliquent à l’école doivent aussi être transposés aux services éducatifs à la petite enfance.
«Et finalement, on se dit si tout ça (ndlr : voir autre texte) est fait, la gratuité, c’est conséquent et cohérent. Si ça fait partie de l’éducation et si on veut l’égalité, ça doit être gratuit», affirme M. Lebon.
Débat de société
Selon André Lebon, avec le rapport de la Commission sur l’éducation à la petite enfance, la société québécoise possède maintenant un bon état des lieux. Il souhaite maintenant que les gens en discutent.
«Nous, on propose ça à la discussion. Au mois de mai, il y aura un sommet sur la petite enfance. (…) S’il y a un consensus de la société civile qui dit que c’est important (…) si on veut ça et qu’on a besoin de ça, après on regardera quand et comment on peut y arriver», indique le président de la commission.
Il affirme ne pas donner de chiffres parce qu’il ne veut pas un débat de chiffres, mais un débat de positionnement social. «Les économistes nous disent que quand on fait les choses au bon moment, ça coute moins cher et on fait des économies. (…) On nous a dit que si on met un dollar en petite enfance, on économise environ trois dollars», a-t-il toutefois consenti à préciser.
Les commissaires, eux, sont convaincus que leurs propositions ont leur place. « Non seulement on a besoin d’investir, mais on n’a pas les moyens de s’en passer. Ça vaut le coup », conclut André Lebon.
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