Elles sont belles, jeunes, mais surtout déterminées à faire leur place dans l’industrie de la construction. «Il faut se lancer et montrer au monde qu’on peut le faire». Réunies à la cafétéria du centre de formation professionnelle A.-W.-Gagné, les étudiantes rencontrées par Le Nord-Côtier sont gonflées à bloc.
«Plus on me dit que je ne suis pas capable, plus ça me motive», affirme Marilyn Vaillancourt, qui étudie en électricité. Du haut de ses 19 ans, elle ne craint pas de faire sa place dans son métier, ni même d’avoir de la difficulté à se faire embaucher. «Si une job ne m’accepte pas parce que je suis femme, je ne veux juste pas travailler là», dit-elle.
Mais la réalité, c’est qu’il reste encore du travail à faire pour «changer les mentalités» à l’égard des femmes dans la construction. La province est d’ailleurs celle qui fait moins bonne figure à l’échelle du pays avec un faible 1,5% de représentativité féminine sur les chantiers, un chiffre qu’espère doubler la CCQ d’ici 2018 pour atteindre 3%, la moyenne canadienne.
La Commission de la construction du Québec (CCQ) et Québec ont récemment mis en œuvre le Programme d’accès à l’égalité des femmes dans l’industrie de la construction, qui s’échelonne jusqu’en 2024. Sur la Côte-Nord, où la moyenne est meilleure avec 2,4%, un projet-pilote a été lancé en novembre pour cerner ce qui ne fonctionne pas.
«On est encore en dose homéopathique, mais on a tous les outils pour peser sur l’accélérateur», soutient la présidente-directrice générale de la CCQ, Diane Lemieux, qui a annoncé la semaine dernière, la campagne «La mixité en chantier». «C’est une campagne où l’on aborde de front les mythes et préjugés qu’on entend tout le temps», illustre-t-elle.
«Jokes plates»
Encore en 2016, les préjugés sont le plus grand obstacle à l’accroissement du nombre de femmes dans l’industrie, assure Mme Lemieux. «Elles ne sont pas assez fortes, sont pas capables, ça les intéresse pas, c’est du trouble, c’est un monde d’hommes», énumère Mme Lemieux. «Un moment donné, les jokes plates, on vient tannées aussi».
Rien de nouveau pour ces jeunes femmes qui, même si elles n’ont pas encore intégré le marché du travail, ont déjà entendu ce genre de propos. «C’est beaucoup du sexisme», explique Catherine Richard, qui étudie la mécanique d’engins de chantier. «Mais, une fois que tu as démontré que t’es vraiment là, que t’aimes ça, ils n’ont plus rien à dire».
Souvent seules ou quelques-unes par classe, elles racontent que les enseignants ont mis les pendules à l’heure dès le début de la formation. «On leur a dit (aux garçons) qu’on n’était pas comme eux autres, mais qu’on amenait autre chose», assure Amélie Roussel, étudiante en mécanique industrielle. «Moi, ça me rend heureuse de venir ici».
Une affirmation qui trouve écho chez Diane Lemieux. «C’est ça qui est paradoxal», poursuit-elle. «Les témoignages d’entrepreneurs qui ont embauché des femmes disent tous que ça fait la différence, que ça change la dynamique». Pourtant, ils sont à peine 8% des 26 000 employeurs de l’industrie à choisir une femme.
Pourquoi notre score est aussi bas au Québec? Diane Lemieux avoue ne pas avoir toutes les réponses. «L’industrie de la construction, c’est l’un des derniers secteurs où c’est difficile pour les femmes. On s’est donné les moyens, on a des discussions depuis des années, on a des gens mobilisés (…) Il faut passer à l’action. C’est tout», résume-t-elle.
Sur les bancs d’école, les filles du centre de formation perçoivent que les mentalités de leurs camarades masculins évoluent pour le mieux. «Les étudiants sont plus ouverts, c’est souvent les plus vieux, un oncle, une tante, qui sont réfractaires», disent-elles. «Une femme est autant capable qu’un homme, mais laisser nous la chance de le prouver».
Nouvelles règles «attrayantes»
En plus de sa campagne sur la mixité sur les chantiers, la Commission de la construction du Québec a adopté le 12 décembre «la pièce maîtresse» de son programme pour faire grimper de 1,5 à 3% le nombre de femmes dans la construction d’ici 2018 en modifiant certaines règles de la Loi R-20, encadrant l’industrie.
Approuvées par le gouvernement, les nouvelles mesures permettent notamment à une femme d’obtenir son certificat de compétence, appelé dans le jargon «ses cartes», même si elle n’a pas un minimum de 150 heures de travail garanties par un employeur. «On leur donne une chance d’être employables plus rapidement», explique Diane Lemieux.
Aussi, en cas de pénurie de main-d’œuvre, la CCQ autorisera l’ouverture des bassins de travailleurs sans emploi à 30% plutôt qu’à 5% pour la gent féminine. Les entreprises pourront même faire travailler une femme apprentie de plus que la proportion apprenti-compagnon à respecter sur les chantiers. Les travailleuses auront également l’autorisation de travailler à l’extérieur de leur région après 500 heures au lieu de 1500 heures.
«Les mesures sont là pour être attrayantes pour les employeurs que ce soit un incitatif sans sacrifier la compétence», affirme la PDG, qui invite particulièrement les employeurs «à faire confiance à une travailleuse» pour une première fois.
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