Pointe-Noire: La Ville craint se priver de 16 millions $

Par Fanny Lévesque 14 octobre 2016
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L’achat des actifs de Pointe-Noire par Québec amène son lot d’incertitudes à la Ville de Sept-Îles qui craint, dans le pire des scénarios, avoir à se priver de plus de 16 millions $ d’ici 2018.

Mardi, en séance municipale, la Ville informait que la Société ferroviaire et portuaire de Pointe-Noire (SFPPN) s’adressait au Tribunal administratif du Québec pour demander une révision de l’évaluation foncière de la municipalité pour les années 2016, 2017 et 2018. L’évaluation que fait l’État de sa nouvelle acquisition est cinq fois moins élevée que celle de la Ville.

Or, la Ville a confirmé au Nord-Côtier qu’elle cumule également des taxes impayées de 8,6 millions $ depuis que Cliffs Natural Resources s’est placé sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers (Loi C-36), au début 2015. «Il y a beaucoup d’argent en jeu», a admis en entrevue, le directeur général de la municipalité, Claude Bureau.

Le problème selon la Ville, «c’est qu’il y a des taxes qui ont couru depuis que Cliffs s’est placé sous C-36 et que c’est taxes-là, ne sont toujours pas payées», a expliqué M. Bureau. En effet, le montant des taxes que Cliffs ne s’était pas acquitté avant de tirer un trait sur ses activités atteignait quelque 1,3 million $ au 18 décembre 2015, date à laquelle les parties devaient faire connaître leur réclamation.

«On part de 1,3 million $ en jeu à une somme de 8,6 millions $», dénonce le directeur général. «On ne peut pas accepter ça». Sept-Îles soutient que les taxes municipales à percevoir entre le moment où Cliffs s’est mis sous la protection de loi et que Québec mette la main sur les actifs miniers auraient dû être versées à la conclusion de la vente, approuvée par la Cour supérieure, en mars.

«Avec le C-36, on parle des créances d’avant, pas celle à venir», illustre M. Bureau. «Ces taxes-là étaient dues à la municipalité, on ne peut pas être liée par le C-36». Il faut rappeler qu’Investissement Québec a déboursé 66,75 millions pour acquérir les installations de Cliffs et le Port de Sept-Îles, 1,25 million pour l’achat de la bande de terrains du bloc Z.

«(La Société ferroviaire et portuaire de Pointe-Noire et le Port) auraient dû s’assurer que l’argent qui allait dans les coffres du contrôleur, soit déduction faite des taxes municipales qui étaient dues. C’est une charge contre l’immeuble», plaide le DG. Le résultat est plutôt que le produit des transactions se retrouve dans le bas de laine du contrôleur et que la Ville ne sait toujours pas quand, ni combien elle touchera au final.

«On va définitivement se battre bec et ongle pour ne pas perdre ces sous-là», a prévenu le directeur général. «Ces sommes-là sont dues et on va faire ce qu’il faut pour les finances de la municipalité et l’ensemble de la collectivité». Si elle ne touchait pas le montant de ces taxes impayées, la Ville craint «un impact majeur» sur ses finances et ses liquidités.

Pour leur part, la SFPPN et le Port contestent avoir à payer les taxes pour les mois précédant leur achat. Selon leur prétention, les biens acquis étaient «libres de toute charge» et il revient au contrôleur de payer les sommes dues. Québec a même versé 2,4 millions $ en taxes pour 2016, des montants qui ont appliqués au solde arriéré, ce que l’État conteste aussi.

La situation a un «effet paralysant» pour toutes les parties a fait valoir la Ville, parce que selon la loi, elle ne peut autoriser le lotissement des terrains, comme souhaite le faire l’État, en raison des taxes impayées. Dans sa requête, la SFPPN explique en effet avoir besoin de lotir ses terrains «pour donner effet à des ententes conclues dans la foulée du Plan Nord».

«Beaucoup en jeu»

À tout le débat à prévoir sur le précédent enjeu, s’ajoute aussi la demande de révision de l’évaluation foncière. La valeur des immeubles au rôle triennal de la municipalité atteint 165 millions $ alors que la SFPPN la chiffre à 30 millions $. C’est donc dire que plutôt que de payer 5 millions $ par année en taxes, la société estime avoir à n’en payer que 900 000$.

Les taxes à percevoir pour 2016 étant en majeure partie incluses dans le débat sur les taxes impayées devant la Cour supérieure, la Ville craint donc de perdre plus de 8 millions $ pour les deux prochaines années, si Québec obtient gain de cause devant le Tribunal administratif. Sur les deux fronts, la Ville a plus de 16 millions $ en jeu.

La Société du Plan Nord, qui gère les actifs de Pointe-Noire, explique avoir réclamé une révision de l’évaluation foncière en raison du grand écart entre la valeur évaluée par la Ville et le prix d’acquisition des actifs. Dans les deux causes, la société dit qu’elle se conformera aux décisions et n’a nullement l’intention de créer «un litige» avec Sept-Îles.

Le tribunal administratif doit rendre une décision en décembre et la Cour supérieure se penchera sur le cas des taxes impayées le 21 octobre. Le tribunal a accordé mercredi un nouveau sursis à Cliffs et son contrôleur pour en arriver à une proposition à ses créanciers d’ici le 27 janvier 2017.

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