Bilbo Cyr: La langue comme matière première

Par Éditions Nordiques 27 septembre 2016
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«Je ne conte pas d’histoire, moi, je conte juste la vérité», avertit Bilbo Cyr, mais «la vérité étant ce qu’elle est, on peut toujours l’améliorer». Slameur et chansonnier originaire de la Baie-des-Chaleurs, il était, au début septembre, de la première édition du festival Sept-Îles en mots.

Invité à un festival mettant le conte à l’honneur, Bilbo Cyr ne se considère pourtant pas comme un conteur. «C’est un statut qui ne sera jamais accordé à quelqu’un, le fait d’être conteur. Il y a souvent bien du monde qui le savent avant toi, considère-t-il. Ce n’est pas nécessairement un statut que j’aurais revendiqué, mais je conte des histoires au monde. J’ai tout le temps fait ça un peu.»

«Je fais du conte de cuisine plus que du conte de scène», explique Bilbo. Et qu’est-ce que du conte de cuisine? «C’est conter la dernière pêche de maquereaux miraculeuse qu’on a faite en en mettant un petit peu plus que ce qu’il y avait vraiment dans le seau», illustre-t-il. Un trait qui pourrait bien être familial.

«Mon frère radote un peu. Je peux l’entendre souvent conter la même histoire à du monde différent, et toutes les fois, il y a tout le temps un petit quelque chose qui a changé dans la façon de le raconter. À mesure qu’il la raconte, elle se peaufine. Mon père fait ça aussi», mentionne Bilbo Cyr.

L’artiste livre ses textes en slams et en chansons a capella. «Je fais du slam dans ma vie en général. De la chanson un peu. Mais je me suis aperçu que je pouvais attacher tout ça ensemble et que ça fasse une plus longue histoire en faisant des liens entre les différents morceaux», explique-t-il.

Matériel de base

Bilbo Cyr considère la parole comme le fil conducteur de son œuvre. «Peu importe le médium, c’est toujours un peu la même chose, c’est la parole. Après ça, comment tu l’enrobes, comment on la présente, ça ne change pas grand-chose sur le propos, explique-t-il. Je joue avec les mots. La langue française, c’est mon matériel de base. Il y du monde qui font de la sculpture, de la peinture, moi mon médium que j’ai choisi pour mon art, c’est la langue. Que ce soit d’en faire un conte, une histoire, une chanson ou un coup de poing dans les dents, ça reste de jouer avec les mots.»

Le conteur gaspésien a été inspiré par sa participation aux Rencontres de création de Natashquan, l’an dernier. «Dans tous les textes que j’ai écrits là-bas, il y avait du sable, du vent, des vagues, il y avait ce qui est là. Et quand on arrive à dire un lieu avec assez de précision, après ça on peut emmener la personne qui écoute dans ce lieu-là sans qu’elle ait besoin de se déplacer, explique-t-il. On dit qu’une image vaut mille mots, mais quand le mot est bien choisi, il peut valoir une émotion, et ça, ça vaut mille images.»

Propos engagés

Lors de son passage à Sept-Îles, Bilbo Cyr a entre autres présenté une «collection de textes fâchés», surtout quand il s’exprime sur «l’extractivisme en général». Il s’inquiète des projets pétroliers et gaziers de sa Gaspésie natale, ainsi que de la méga cimenterie en construction à Port-Daniel. «Ça me fâche beaucoup parce qu’on ne nous demande pas nécessairement ce qu’on en pense et on se ramasse à le subir comme ici avec Mine Arnaud», estime-t-il.

C’est par l’indignation qu’il a commencé à écrire, mais il a par la suite abordé des thèmes plus légers. «On peut arriver à passer un message aussi fort en nommant la beauté du milieu qu’en dénonçant les menaces. On va donner envie encore plus au monde de protéger et d’aimer leur place en leur chantant comment on l’aime», explique Bilbo Cyr.

 

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