Discrimination syndicale: Harold Richard touchera près de 150 000$

Par Fanny Lévesque 13 juillet 2016
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Le travailleur de la CSN-Construction, Harold Richard, en compagnie de l’avocat, Dany Milliard, en marge des travaux de la Commission des relations du travail, en 2011.

Harold Richard, membre de la CSN-Construction, touchera finalement tout près de 150 000 dollars, sept ans après avoir porté plainte pour avoir été victime de discrimination syndicale. La Commission des relations du travail (CRT) lui avait donné raison en mars 2013.

Le Tribunal administratif du travail (anciennement CRT) ordonne à la FTQ-Construction et à Les Équipements Nordiques de payer «solidairement», dans les huit jours, le montant 85 918$ en dommages compensatoires pour salaire perdu et 11 753$ en intérêts, apprend-on dans la décision de Kim Legault, rendue le 8 juillet. La centrale syndicale devra aussi verser 50 000$ en dommages-intérêts punitifs.

En septembre 2009, M. Richard a déposé une plainte contre Équipements Nordiques après avoir été congédié en raison de son allégeance syndicale, soutenait-il. Le recours était également dirigé vers la FTQ-Construction et certains de ses représentants, dont Bernard «Rambo» Gauthier, pour avoir incité l’entreprise le congédier.

L’affaire a été entendue devant la Commission des relations du travail (CRT) de 2010 à 2012. La commissaire Kim Legault a finalement tranché en mars 2013 en faveur de M. Richard. La CRT avait été plus loin en affirmant que les leaders syndicaux de la Côte-Nord avaient mis sur pied un système de placement «ne laissant aucune latitude» aux employeurs.

«Mince compensation»

Joint au téléphone, Harold Richard a confié qu’il paye encore le prix d’avoir porté plainte à l’époque. L’opérateur de machinerie lourde de métier affirme qu’il a subi depuis de l’intimidation sur les chantiers par des travailleurs de la FTQ. «Pour tout ce que ça m’a coûté, c’est très mince comme compensation», lance-t-il.

Il a été admis en preuve, entendue en début 2016, que depuis 2013, le plaignant a tenté en vain de retrouver du travail dans l’industrie mais que les employeurs «craignent les conflits», bien qu’il soit «un bon travailleur.» Ce qui l’a placé dans un état financier «précaire».

La CSN-Construction déplore également la situation vécue par son membre. «Du moment où tu perds le droit de gagner ta vie dignement, il n’y a pas de montant pour compenser ça (…) Pour M. et Mme Tout-le-Monde, ça peut faire du sens. Mais quand tu regardes d’où est parti le dossier et où on est rendu aujourd’hui, c’est minime», a indiqué le président, Pierre Brassard.

Harold Richard se réjouit néanmoins d’avoir obtenu gain de cause en 2013. «On a prouvé que le système est là», a-t-il ajouté. Le président de la CSN-Construction avance pour sa part que le «règlement aurait dû être plus sévère» justement pour éviter les «effets négatifs» de l’influence des syndicats sur les employeurs.

La FTQ-Construction n’a pas voulu commenter la décision, mais indique que «son équipe d’avocats travaille déjà» sur la question de la contester. Il a été impossible de joindre le représentant du local 791 de l’Union des opérateurs de machinerie lourde, Bernard «Rambo» Gauthier.

Le leader syndical et le travailleur n’en sont pas à leurs premiers démêlés. M. Gauthier avait même été tenu par le tribunal de se tenir loin d’Harold Richard en vertu de l’article 810 du Code criminel pour l’avoir injurié pendant la grève de la construction, en juin 2013. Une ordonnance cassée par la Cour supérieure.

Équipements Nordiques réagit

Pour la première fois, Équipements Nordiques a accepté de commenter l’affaire. «Nous autres, on a été spectateur d’une cause entre la CSN et la FTQ», a déploré le directeur général, Michel Lessard. «On est très déçu et amer de la décision parce qu’on pense qu’on en a payé les frais, ça nous a coûté très, très cher (…) Notre avocat a peut-être plaidé une journée» sur les vingt jours d’audience de 2010 à 2012.

C’est que la Commission des relations du travail avait accepté d’élargir son mandat, à la demande de la CSN, pour examiner l’existence d’un système d’intimidation et de discrimination syndicale exercée par la FTQ-Construction sur la Côte-Nord. «On a entendu des témoignages, des choses, qui se sont passés à La Romaine, à La Toulnustouc alors qu’on n’était même pas là», soulève M. Lessard.

L’entreprise s’explique mal pourquoi elle aurait à payer pour les années où M. Richard n’a pas travaillé. «Je trouve ça exagéré», poursuit-il. Les compensations en salaire estimées par le Tribunal s’appuient sur ce que M. Richard aurait dû gagner pendant deux ans, en tenant compte du le contexte économique alors que l’entreprise effectuait des travaux au chantier de la mine du lac Bloom.

Même si l’entreprise n’avait pas contesté par choix la décision de mars 2013, Équipements Nordiques nie encore aujourd’hui avoir congédié M. Richard après avoir subi des pressions de Bernard Gauthier. Dans ce cas-ci, Michel Lessard affirme qu’il «évalue» la possibilité de contester.

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