Ralentissement du fer: Le pari des producteurs de la Côte-Nord

Par Fanny Lévesque 20 juin 2016
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Est-ce que les producteurs de fer de la Côte-Nord ont ce qu’il faut pour rivaliser avec les grands de la planète à l’heure où la débâcle des prix malmène l’industrie? Le Nord-Côtier s’est entretenu avec Nochane Rousseau, associé et leader du secteur minier pour le Québec chez PricewaterhouseCoopers.

Les temps sont durs pour les producteurs de fer du Québec qui jonglent avec un prix de la tonne qui a dégringolé de 189 dollars (US) en 2011 à 37 dollars en décembre. Le début de l’année a néanmoins amené une timide embellie, avec une tonne qui se négocie présentement autour de 50 dollars.

«La question que tout le monde se pose c’est : est-ce que 2015 représente vraiment le creux du cycle?», affirme M. Rousseau. Même si personne n’a la réponse assurée, «2016-2017 seront des années remplies de défis pour le secteur du fer», prévoit-il.

Le nerf de la guerre résidera dans la réduction des coûts, assure l’expert. Un exercice nécessaire auquel s’adonnent déjà tous les producteurs. Par exemple, Rio Tinto IOC est parvenu à réduire ses dépenses de 70 millions $ en 2015, mais prévoit retrancher un 90 millions $ additionnels au cours de l’année.

«Le défi, ce sera de maintenir les programmes de réduction des coûts de façon durable, permanente», explique M. Rousseau qui souligne que, d’ordre général, les minières ont eu plus de facilité au cours des dernières années, à couper dans leurs dépenses grâce à la faiblesse de la devise canadienne et la baisse du prix du pétrole.

Deux fois plus cher

Dans le cycle baissier qui sévit, les sociétés installées sur la Côte-Nord doivent trimer dur pour tirer leur épingle du jeu sur l’échelle mondiale. Il est estimé que produire une tonne de minerai de fer coûte deux fois plus cher au Québec qu’en Australie, l’un des plus importants producteurs du monde.

La taille des gisements, leur teneur et leur volume ne sont d’ailleurs pas étrangers à ce grand écart, selon M. Rousseau. Le minerai de la Côte-Nord et du Labrador atteint une excellente qualité, mais après un processus de concentration coûteux, «une étape de plus qui vient augmenter les coûts de production».

Par contre, l’industrie touche une prime sur la qualité sur le prix de vente. «Il y a de la demande pour le minerai du Québec pour à cause de sa qualité, mais aussi l’absence importante d’impuretés, ce qui fait en sorte que les aciéristes en veulent pour souvent, le combiner avec d’autres», fait valoir l’expert du secteur minier.

Éloignement

L’éloignement de la province des grands marchés n’avantage pas non plus les minières québécoises qui doivent livrer leur production notamment jusqu’en Chine. Même si son appétit est moindre depuis quelques années, le pays chinois consommait encore en 2015, 70% de tout le fer produit sur la planète.

Si le Québec est loin de l’Asie, le Nord québécois est aussi loin des ports d’expédition. Un seul chemin de fer, appartenant à Rio Tinto IOC, relie le Labrador à Sept-Îles. Les producteurs, à l’exception d’ArcelorMittal qui possède son propre tracé de la mine du Mont-Wright à Port-Cartier, doivent conclure des ententes commerciales avec IOC.

Les résultats de l’étude de faisabilité pour la construction d’un nouveau tronçon ferroviaire, de type multiusager, reliant Sept-Îles à la fosse du Labrador, doivent être connus en septembre. Québec et ses partenaires, dont Champion, cherchent à identifier une solution optimale pour le transport du minerai.

Les conditions climatiques du nord réduisent aussi les possibilités des sociétés, avec une fenêtre de travaux plus courte. «Ça peut impliquer des dépassements de coûts, des retards (…) Le climat fait aussi en sorte que l’équipement va demander plus d’entretien, plus de maintenance», soulève Nochane Rousseau.

Juridiction attrayante

Le Québec occupe malgré tout, le 8e rang des juridictions minières les plus attrayantes du monde, selon le dernier classement de l’Institut Fraser. La province a par ailleurs été en tête du classement de 2007 à 2010. Une main-d’œuvre qualifiée, un grand territoire peu peuplé et un potentiel minier très diversifié, sont entre autres, au chapitre des avantages.

Le Québec bénéficie aussi d’un large bassin d’investisseurs institutionnels qui offrent «un support important» à l’industrie. L’État a récemment acquis les actifs miniers de Cliffs Natural Resources pour 66,75 millions $ afin de permettre le désenclavement de la Pointe-Noire à Sept-Îles, un secteur névralgique pour le développement du nord.

Québec a de plus investi 20 millions $ dans la mine du lac Bloom à Fermont pour que Champion Iron Limited puisse y mettre la main, après l’arrêt des opérations de Cliffs. Des investissements «positifs» qui s’inscrivent dans la «vision à long terme» du Plan Nord, affirme M. Rousseau.

L’industrie minière québécoise profite aussi de l’hydroélectricité, «une énergie propre» qui positionnera bien la province «avec tout ce qui s’en vient de taxes sur le carbone».

Réduire la «lourdeur»

Dans le contexte où les minières se serrent la ceinture pour réduire leurs coûts, l’Association minière du Québec planche avec l’État sur des solutions pour alléger «la lourdeur administrative» et accélérer les délais pour l’obtention de permis.

«On n’est pas en train de dire qu’on veut réécrire les lois, certaines modifications sur lesquelles on travaille ne requièrent pas de changements législatifs, mais il y a moyen de travailler avec les lois actuelles et être plus efficace», a expliqué la présidente-directrice générale, Josée Méthot.

L’AMQ cite en exemple de simplifier certains éléments du régime fiscal du Québec «parce qu’il est lourd à travailler». Dans son enquête de 2016, l’Institut Fraser mettait aussi en relief la longueur des délais pour la livraison d’autorisations, notamment celles environnementales. Des sources consultées dans l’industrie l’ont aussi soulevé.

«Si on veut que lorsque les prix vont être bons, les investisseurs viennent chez nous, bien il faut être meilleur et mettre des conditions en place pour qu’ils viennent ici plutôt qu’ailleurs», résume Mme Méthot. L’AMQ souligne que «des tables de travail» sont en place avec Québec et «qu’il y a une volonté des deux côtés» d’améliorer les choses.

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