L’intimidation au féminin: Des mots lourds de sens banalisés

Par Éditions Nordiques 18 novembre 2015
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Pier-Luc Berthelot et Patrick Vollant, gagnants 2×2 Hommes Récréation Division 1

Par le biais de sa Fondation, Jasmin Roy intervient dans les écoles depuis maintenant plusieurs années. Des actions qu’il effectue pour lutter contre l’intimidation. Au fil de ses interventions, il a été surpris de voir les filles se traiter entre elles de «bitchs», «salopes» et «putains». Un constat qui l’a amené à rédiger «#Bitch – Les filles et la violence», publié récemment aux Éditions de l’homme.

«C’est un langage qui n’existait pas à mon époque, avance Jasmin Roy. Ce sont des mots qu’elles utilisent pour signifier une amitié. Ça m’a réellement amené à me pencher sur le rapport que les filles peuvent entretenir avec la violence. J’y vois là une forme de banalisation. Je crois que ça les amène à entretenir des relations amoureuses malsaines» Jasmin Roy 

Entre elles, les filles s’intimident surtout sur leur apparence physique et leur réputation. Des propos qui peuvent parfois être lourds de conséquences. «Ce qui est inquiétant, c’est que cette violence se fait avec le corps. J’ai la sincère impression qu’elles le font pour attirer l’attention des autres filles et non simplement pour plaire aux garçons. Il y a toujours une menace qui plane sur les groupes de filles», constate-t-il.

Contrairement à la violence entre garçons, celle au féminin adopte plutôt une forme plus sournoise. «Les garçons sont plus directs entre eux. Ils se disent les choses plus franchement, soutient M. Roy. De leur côté, les filles vont chercher à se trouver des alliés. Elles font alors courir des rumeurs, des cancans. Elles sont davantage actives sur les médias sociaux.»

Jasmin Roy (Photo: Courtoisie)

Jasmin Roy (Photo: Courtoisie)

D’expérience, Jasmin Roy remarque que les filles ont tendance à utiliser un comportement de ce genre lorsqu’elles s’ennuient. «Elles se regardent et essaient alors de se trouver des défauts, indique-t-il. Il y a là une bonne pointe de jalousie. Très souvent, une fille trop «hot» se fera rejeter par le groupe et traiter de pute. D’un autre côté, une fille peut être considérée paresseuse si elle ne prend pas soin de son corps», déplore-t-il.

Pour enrayer cette problématique, l’auteur croit en la formation de brigade de sensibilisation dans les écoles. Il demeure convaincu qu’il est plus facile pour un jeune d’interagir avec un pair pour dénoncer la situation. Un travail important se doit toutefois d’être effectué auprès de la victime et de l’agresseur. Si une situation d’intimidation se répète, la médiation ne constitue pas, selon lui, un mode intéressant de résolution de conflits.

Le livre #BITCH de Jasmin Roy (Image: Courtoisie)

Le livre #BITCH de Jasmin Roy (Image: Courtoisie)

 

Un phénomène plus viral

 Grâce à son programme «Ultimatum», l’organisme La Croisée effectue diverses interventions dans les écoles secondaires de l’est de la Côte-Nord pour combattre la cyber-intimidation. Le web étant une plateforme davantage utilisé par les filles pour s’intimider entre elles, selon sa directrice générale, France Bouffard.

 Alors que l’intimidation n’est pas réellement à la hausse, la cyber-intimidation occupe une place très importante dans les actions menées par les établissements scolaires pour lutter contre l’intimidation. Une forme de violence catégorisée de plus sournoise qui fait davantage de ravage par son côté viral. «Un événement ne devient plus une situation isolée. Elle est mise en lumière sur les réseaux sociaux et les conséquences sont plus lourdes», précise Mme Bouffard.

Devant un écran, les jeunes étant portés plus facilement à utiliser ces qualificatifs.

«Sur Facebook, les jeunes ont de nombreux amis aujourd’hui. Leur publication circule à vitesse grand v. Il en va de même d’un commentaire irrespectueux. Par nos actions, on veut les amener à être des cyber-citoyens plus responsables. Ils en ressortent avec de meilleures connaissances» – France Bouffard 

Des armes à double tranchant

Moins physique, la violence entre filles se manifeste surtout par des mots lourds de sens. «Elles utilisent un vocabulaire inadéquat entre elles. C’est anodin. Elles n’en voient pas les conséquences que ça peut engendrer. Par nos ateliers, on essaie de leur faire comprendre comment la violence se manifeste sur le plan verbal», souligne l’intervenante sociale de l’organisme, Julie Auger.

Se manifestant aussi parfois par la transmission de photos à caractère sexuel suite à une séparation, la cyber-intimidation s’attaque directement à la réputation d’une personne. «En couple, les filles partagent des photos avec leur amoureux. C’est un geste anodin qui se retourne parfois contre elles. Une véritable arme de destruction massive. Les impacts sont lourds pour l’estime de soi de la victime et sa réputation», soulève Mme Bouffard.

Des pistes de solution

Ces mots diffamatoires étant perçus différemment par une personne, selon l’état d’esprit dans laquelle elle se trouve. «Les mots n’ont pas tous le même sens et la même portée. On est plus sensible face à certains d’entre eux. Il ne faut jamais prendre pour acquis que ces mots sont inoffensifs, indique la directrice générale de La Croisée. Il faut agir sur l’empathie. Il faut les amener à voir la situation différemment. Il y a une limite à la notion de la liberté d’expression.»

La médiation étant aussi l’une des avenues qui peuvent être envisagées pour mettre fin à une situation d’intimidation. «Il est important de s’assurer que la victime soit prête à aller à la rencontre de son intimidateur. On ne doit pas lui imposer une telle solution. Si cette rencontre a lieu, elle se doit d’être dirigée pour éviter que la situation ne se détériore. Un moyen efficace pour l’intimidateur de comprendre la réelle portée de son geste», conclut Julie Auger.


 

 

 

 

 

 

 

 

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