Le 15 juillet 2013, la centaine de citoyens de Baie-Johan-Beetz était évacuée d’urgence dans la nuit en raison d’un incendie forestier majeur qui a chauffé le paisible village à moins d’un kilomètre. Un an plus tard, les Minganois gardent encore un goût amer de l’intervention des autorités, critiquées pour leur lenteur à réagir.
Abandonnés, oubliés. C’est de cette façon que les citoyens de Baie-Johan-Beetz se sont sentis quand les flammes ont forcé leur évacuation d’urgence dans la nuit du 15 juillet 2013. «Disons que les gens ont eu le sentiment qu’ils ne valaient pas grand-chose aux yeux des autorités», laisse tomber le maire de l’endroit, Frédérick Gagnon, qui a bien accepté de revivre les événements, lors de notre passage en Minganie.
À Baie-Johan-Beetz, tout le monde se souvient de l’été dernier. «Ça faisait une semaine que le feu brûlait, on voyait une colonne de fumée au loin», se souvient M. Gagnon. «La municipalité s’informait, les autorités se voulaient rassurantes. La confiance était là.» Puis, le vent a tourné. En moins de quelques heures, le feu qui se trouvait à une bonne vingtaine de kilomètres, a presque rattrapé la localité.
Évacuation tardive
«Vers 20h, il s’est mis à faire noir d’un coup, c’était la panne électrique. On a vite compris que les flammes avaient atteint la ligne de transport, qui n’est pas très loin de la 138 et là, on a commencé à s’inquiéter», raconte M. Gagnon. En soirée, les nuages de fumée se faisaient si menaçants que la localité a décidé d’envoyer une photo à la sécurité civile. «C’est après ça qu’ils nous ont dit de partir de là», affirme le maire.
La municipalité, une infirmière et quatre policiers ont coordonné l’évacuation des quelque 114 résidents et touristes de Baie-Johan-Beetz vers Havre-Saint-Pierre, situé à une soixantaine de kilomètres. «On s’est évacué quasiment tout seul. Ça s’est bien déroulé parce qu’on est une petite communauté qui se connait (…) C’était tout juste, quand on est parti, on était convaincu que le village y passait.»
À la pourvoirie Baie-Johan-Beetz, qui a pignon dans la maison au toit rouge à l’entrée du village, on avait vu venir le coup. «J’étais craintive, le feu grossissait à vue d’œil, c’était vraiment épeurant», explique la directrice, Geneviève Tremblay. «Fallait courir après les informations, j’appelais sans cesse les gens que je connais pour savoir où s’en était.»
Par chance, la dizaine de pêcheurs et guides de la pourvoirie étaient de retour au village. «J’avais prévenu mes clients de préparer leur voiture, qu’il se pouvait qu’on parte vite.» Et c’est ce qui est arrivé un peu après 23h. «J’ai été la dernière à quitter, quand je suis partie, il y avait de la cendres sur mon pick-up!»
Incompréhension
Entré en poste à l’automne, Frédérick Gagnon s’explique toujours mal pourquoi les autorités ne sont pas intervenues plus rapidement, bien que l’incendie se trouvait dans une zone d’intervention restreinte. «Il y avait des vies humaines en cause», martèle-t-il. «Malheureusement, on n’avait pas de mine, d’industries ou de chantiers majeurs qui auraient fait qu’ils seraient venus dès le premier jour», déplore-t-il.
Le maire espère néanmoins que le gouvernement tirera leçon de l’expérience passée, et que les recommandations du rapport Morneau permettront d’éviter que de pareilles situations ne se reproduisent. Mais à Baie-Johan-Beetz, le lien de confiance est brisé, assure Frédérick Gagnon. «Dorénavant, on va se méfier.»
Petit à petit, Baie-Johan-Beetz apprend à vivre avec les cicatrices laissées dans son arrière-pays, où des milliers d’hectares de forêt ont été brûlés. «Il n’y a pas de théâtre ou de cinéma ici. Les gens ont choisi d’y vivre pour la nature, ça fait partie de leur vie. C’est quelque chose qui est perdu, qui ne reviendra pas», explique M. Gagnon.
Des activités communautaires ont été organisées pour que les citoyens puissent exprimer leurs émotions depuis les événements. Il y a une semaine, un brunch a eu lieu pour se souligner le triste anniversaire. «Les sentiments sont encore partagés, mais il fait toujours aussi bon vivre à Baie-Johan-Beetz.»
(Photos: Le Nord-Côtier)
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