Grammaire innue : Quand la tradition orale se transpose à l’écrit

Par Éditions Nordiques 26 mai 2014
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Pendant plus de trois ans, une linguiste à l’emploi de l’Institut Thaskapesh, Lynn Drapeau s’est investie, avec l’aide d’un comité de travail, à la réalisation d’une grammaire en langue innue. Un nouvel outil linguistique dévoilé lors d’une cérémonie de lancement officiel qui s’est tenue, le 21 mai, au Musée Shaputuan de Uashat.

«C’est un grand défi. Il faut prendre beaucoup de notes. Il faut enregistrer beaucoup de gens. Beaucoup d’Innus ont écrit des textes au cours des dernières années. Cela m’a été fort utile, car je m’en suis servie pour la réalisation de cette grammaire. L’idée étant d’avoir l’éventail des temps, des modes, des structures de phrases. En linguistique, on appelle ça un corpus», explique celle qui voue un véritable intérêt à cette langue qui se transmettait surtout de manière orale auparavant.

Le travail de réalisation de cette grammaire a nécessité beaucoup de rigueur. Pour ce faire, la linguiste a eu à prendre en considération plusieurs aspects de cette langue, en plus d’avoir à se référer à des ouvrages réalisés sur des langues qui y sont apparentées. L’objectif étant d’en saisir ses différentes composantes, tout en s’assurant que les exemples correspondent bien à l’intuition qu’avaient les sujets. C’est ce qui l’a amené à collaborer avec un comité formé uniquement de femmes.

«Les Innus n’ont pas la tradition de discuter de leur langue sur le plan de la grammaire. Ça prend un certain temps pour en arriver au même niveau. Les femmes que j’ai côtoyées pour ce projet s’y sont pleinement investies», enchaîne Mme Drapeau. «Elles ont prêté beaucoup d’attention aux détails. Je suis très fière du résultat obtenu. C’est le fruit d’un travail d’équipe. Ça deviendra une grammaire de référence. Ça vient vraiment consigner les règles à l’écrit.»

Pour la rédaction de cette grammaire, cette spécialiste de la langue innue a pris pour acquis sa version standardisée, adoptée au cours des trente dernières années. «Même s’il y a différents dialectes, leurs effets sur l’écrit demeurent minimes. C’est surtout au niveau de la prononciation que l’impact se fait sentir. Je voulais que cet outil ne s’adresse pas uniquement au linguiste. Il fallait que ce soit clair, que ça se lise comme un roman. Je l’ai donné à un collègue et j’avais alors reçu 784 commentaires. C’était surtout des aspects à clarifier», précise-t-elle.

Sa biographie
Depuis près de 40 ans, Lynn Drapeau mène une carrière dans l’étude de la langue innue, ce qui l’a amené à mettre au monde, dans les années 90, le dictionnaire montagnais-français. Un outil d’apprentissage très précieux que plusieurs communautés autochtones et même allochtones utilisent encore aujourd’hui pour communiquer. Son apport ne s’arrête pas là puisqu’elle est aussi l’instigatrice du dictionnaire Innu/Français lancé par l’Institut Tshakapesh, il y a près d’un an.

Sur cette photo, Lynn Drapeau est entourée de la plupart des femmes qui se sont impliquées sur le comité de travail pour la réalisation de cette grammaire innue. Des collaboratrices qui se sont réunies plusieurs fois par année pour y apporter leur grain de sel et surtout partager leur expertise en la matière. (Photo : Le Nord-Côtier)

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