Économie: Grand temps de se diversifier selon les gens d’affaires

Par Fanny Lévesque 12 mars 2014
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Les temps sont durs selon ce que rapportent des entrepreneurs et commerçants de Sept-Îles, qui ont enregistré en moyenne des baisses de 20 à 30% de leurs activités en 2013. À deux jours de la marche citoyenne en faveur de Mine Arnaud, la Chambre de commerce, flanquée d’une dizaine d’hommes et femmes d’affaires de la région, a lancé ce midi un message clair : il est temps que Sept-Îles diversifie son économie. Voilà pourquoi la ville doit se donner «toutes les chances possibles» pour faire du projet minier, un «projet exemplaire», ont-ils clamé.

Tour à tour, les intervenants ont pris la parole pour témoigner du climat morose qui prévaut actuellement dans leur secteur. «Notre but n’est pas d’être alarmiste», a lancé la présidente de la Chambre de commerce, Manon Langlois, avant de donner la parole à ses membres. «Nous voulons vous faire part d’une réalité, de la vision de ceux qui sont sur le terrain.» Selon les gens d’affaires, l’économie de Sept-Îles a été grandement fragilisée depuis 2013 par le ralentissement du marché du fer.

Des affaires à la baisse
«Chez nous, on peut dire qu’on le sent surtout depuis la fermeture de l’usine de bouletage de Cliffs», a exprimé le copropriétaire de Ferronnerie Sept-Îles, Benoît Leblanc. «Le secteur de la distribution industrielle est devenu pénible.» Le son de cloche est semblable chez Axor Experts-conseils qui raconte actuellement «travailler davantage sur des projets liés à des fermetures» qu’à des démarrages.

La baisse d’activités serait à ce point dramatique chez la firme d’ingénierie que c’est littéralement «un recul de 15 ans en arrière» qui se profile avec la débâcle des prix du fer, selon le vice-président de l’entreprise Denis Cadoret.

L’immobilier et les secteurs des services ne feraient pas non plus exception à la règle. Le nombre de transactions immobilières a chuté de 30% en 2013, et les deux premiers mois de 2014 ne seraient pas plus encourageants, selon le courtier Remax Innovation, Christian Truchon. Dans l’hôtellerie, le taux d’inoccupation serait de plus en plus inquiétant, d’autant plus que de nouveaux joueurs ont émergé depuis les dernières années profitant notamment de l’engouement créé en 2009 par la mise en place du Plan Nord.

Le directeur de la Caisse d’économie Desjardins des Mines, Métaux et Services publics est allé plus loin en qualifiant la situation économique de récession. Steeve Chapados a par ailleurs rappelé que les pertes d’emploi s’accompagnent souvent de détresse psychologique, «des répercussions réelles» souvent oubliées. Selon lui, l’incertitude est «le pire ennemi» du banquier.

Diversification
Le contexte économique vient donc donner encore plus d’importance à la réalisation du projet d’exploitation d’une mine d’apatite à ciel ouvert dans le canton Arnaud, selon les intervenants. «Dans le concret, à court terme, il n’y a pas de projet plus structurant que celui de Mine Arnaud», a martelé Manon Langlois, rappelant les 300 emplois rémunérateurs qui en découleraient.

La diversification oui, mais les entreprises rappellent que le développement de Sept-Îles sera toujours intimement lié au domaine minier. «Mine Arnaud n’est pas l’unique solution, mais il s’agit d’une opportunité à ne pas écarter du revers de la main», a rajouté Mme Langlois en soulignant les efforts de son organisme dans différents dossiers.

Les gens d’affaires disent ne pas contester les conclusions du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, qui a qualifié de «pas acceptable dans sa forme actuelle» le projet minier de 750 millions $. «Nous sommes parfaitement d’accord avec le fait que le promoteur ait encore du travail à faire», a lancé Denis Cadoret. Il manque des informations, et personne ne le conteste.»

Marche citoyenne
La Chambre de commerce invite d’ailleurs ses membres et la population à se joindre à la marche citoyenne organisée en faveur du projet de Mine Arnaud pour manifester leur désir que le promoteur aille «jusqu’au bout du processus.» Déjà 65 entreprises septiliennes ont accepté de fermer leurs portes pour libérer leurs employés s’ils veulent participer à la marche. «Ceux qui veulent y aller iront et ceux qui ne veulent pas resteront à l’ouvrage pour faire du travail interne», a soutenu Steeve Guillemette, du Groupe GS. Une position qui a été défendue par les autres représentants d’affaires, «c’est un libre choix», ont-ils indiqué.

Le départ de la marche se fera du centre socio-récréatif ce vendredi, plutôt que des Galeries Montagnaises comme il était prévu. Ce changement de dernière minute s’expliquerait selon la Chambre de commerce par un manque d’espace lié à l’engouement du mouvement.

Invitation au maire
Les gens d’affaires n’ont pas raté l’occasion de réinviter le maire de Sept-Îles et le député de Manicouagan, qui seront «les deux grands absents» de la marche, à se joindre à eux. À leur avis, c’est du devoir du maire d’y être. «On l’a invité et on l’invite encore aujourd’hui», a expliqué Steeve Guillemette. «On veut s’asseoir ensemble à la même table et qu’il nous aide à trouver des solutions.»

Ces propos ont trouvé écho chez la propriétaire de l’hôtel Les Mouettes qui s’est dite mal à l’aise avec les choix du maire Porlier. «C’est particulièrement étrange, son rôle devrait être de faire partie de la solution», a indiqué Élisabeth Blais.

Lors de la séance publique lundi, bon nombre de conseillers municipaux ont confirmé qu’ils seront de l’événement. Cependant, Réjean Porlier a rappelé «son devoir de précaution» en refusant d’appuyer le projet minier à ce stade-ci. «J’aurais aimé que le promoteur rende le projet acceptable avant qu’on en fasse un enjeu électoral dans la rue (…) Quand le projet sera acceptable, je vais l’accepter aussi», avait-il dit.

La Chambre de commerce de Sept-Îles a rencontré le conseil de ville le 24 février dernier pour faire valoir les préoccupations de ses membres envers le contexte économique actuel.

Sur la photo (derrière), Christian Truchon (Remax Innovation), Élisabeth Blais (Les Mouettes), Manon Langlois (Chambre de commerce), Line Lejeune (Chez Omer), Langis St-Gelais (Pavage Béton TC), Steeve Chapados (Caisse d’économie) et devant, Steeve Guillemette (Groupe GS), Régis Bouchard (Équipements Nordiques), Denis Cadoret (Axor) et Benoit Leblanc (Ferronnerie Sept-Îles).
(Photo : Le Nord-Côtier)

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